Return to Migration et COVID-19

(1/10) France

13 avril 2020

Confinés dehors ou abandonnés dedans : les migrants précarisés en région parisienne à l’ère de la pandémie

Rapport de Annaelle PIVA, à Paris
Candidate au doctorat en géographie au sein de la chaire

Sa thèse porte sur les migrants en errance dans les espaces urbains. Elle effectue une comparaison entre les villes de Rome et Paris.


En France comme dans de nombreux pays, les mesures prises pour ralentir la propagation du virus Covid-19 affectent durement les personnes migrantes. Pour les demandeurs d’asile, les instances chargées de la procédure sont mises en pause le temps de l’épidémie. Concrètement, cela signifie le report des auditions à l’Office Français Pour les Réfugiés et les Apatrides (OFPRA) et à la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA). Ces fermetures rallongent des procédures déjà très lourdes (8 mois minimum pour une première réponse).

À l’autre extrémité de la procédure, les Centres de Rétention Administratives (CRA), les prisons dans lesquelles sont enfermés dans l’attente et l’éventualité de leur déportation les personnes déboutées du droit d’asile voient s’accroitre les tensions. En effet, l’annulation des parloirs, l’impossibilité de maintenir un suivi juridique, s’ajoutent à des conditions de vie carcérale dégradées. De plus, l’ensemble des vols à destination des pays de renvoi sont suspendus, ce qui rallonge l’attente des personnes qui s’accumulent dans ces lieux où les mesures prises pour limiter la propagation du virus entre les détenus sont insuffisantes.

À Paris, les personnes ayant un toit sont confinées tandis que les personnes sans-abris sont contraintes à poursuivre leur errance avec des ressources amoindries et inquiétées par la police.

« Tout le monde a peur. Tout est fermé à Paris sauf la halte de Porte de la Chapelle où les personnes peuvent encore venir prendre une douche et laver leur linge. On limite à quatre-vingts personnes par jour contre deux cents à quatre-cents avant. La police est venue pour voir « si tout se passe bien ». On ne les a pas laissé entrer de peur qu’ils fassent des contrôles et que leur présence stresse les bénéficiaires déjà à bout ».

En raison de la pandémie, la majorité des associations ont été dans l’obligation de cesser leurs activités. Quelques collectifs citoyens ont maintenu leurs distributions malgré le confinement. Ils ont constaté une augmentation alarmante du nombre de personnes qui ne parviennent plus à s’alimenter et une volonté des forces de l’ordre de les « confiner dehors », sur le campement insalubre de Porte d’Aubervilliers notamment, où il n’y avait ni accès à l’eau ni à des sanitaires pour plus de cinq-cents habitants. Une interpellation de Médecins du Monde a permis l’installation des infrastructures sanitaires minimales en attendant une évacuation.

En janvier 2020, la soixantième évacuation (depuis 2015) des campements a eu lieu. Pour faire face à la pandémie, la soixante-et-unième nécessiterait un dispositif d’accueil et un suivi sanitaire beaucoup plus importants que ce qui n’a jamais été mis en place à ce jour, or les dispositifs hospitaliers sont insuffisants et les hébergements d’urgence sont saturés. Enfin, de nombreux migrants se dissimulent dans des squats, dans des recoins de la ville, sans possibilités de se soigner.

Lien web de StreetPress
Photographies © Médecins du monde