Return to Migration et COVID-19

(5/10) Méditerranée

4 avril 2020

COVID-19 : Les équipes de SOS Méditerranée impatientes et déterminées à reprendre le sauvetage des migrants en haute mer

Rapport de Mireille Lajoie
Étudiante au baccalauréat en géographie et membre de la chaire

Mireille travaille actuellement sur un projet de recherche pour SOS Méditerranée, une association civile et européenne dont la mission principale est la recherche et le sauvetage migrants qui tentent de traverser la mer Méditerranée pour atteindre l’Europe


Chaque semaine, des dizaines de migrants quittent la Libye dans des embarcations très précaires pour tenter de se rendre en Europe par la mer Méditerranée centrale. Leurs chances d’atteindre l’Italie sont alors très minces, voire inexistantes. Le navire de sauvetage de SOS Méditerranée leur vient en aide et permet d’empêcher la mort de milliers de migrants chaque année. En Libye, d’où quittent les personnes secourues par SOS, la situation est horrible pour les migrants. Sous prétexte officiel de freiner l’afflux des immigrants en Libye, majoritairement en provenance de l’Afrique subsaharienne, les migrants sont détenus dans des centres de détention gérés par le gouvernement ou par les milices armées. Les hommes, les femmes et les enfants y sont victimes de trafic humain, d’esclavage, d’exploitation sexuelle, de travail forcé, de racisme, et de violences physiques et sexuelles. L’Europe représente pour eux leur unique chance de survie, ce pour quoi ils tentent la traversée malgré le danger et les risques de l’opération. Dans certains cas, ils y sont carrément forcés par les trafiquants et les passeurs.

Le 23 février dernier, alors que l’Europe était frappée par le COVID-19, le navire de sauvetage de SOS Méditerranée, l’Ocean Viking, a été mis sous quarantaine par les autorités italiennes au port de Pozzallo en Sicile, après avoir débarqué 276 migrants qui avaient été rescapés dans les jours précédents. Aucun membre de l’équipe de sauvetage ne présentait alors de symptômes du virus. SOS Méditerranée et Médecins Sans Frontières, qui opère également le navire de sauvetage, craignaient alors qu’il s’agisse d’une mesure pouvant servir de prétexte pour empêcher le sauvetage des migrants en mer.

Finalement, après cette quarantaine de 14 jours, l’Ocean Viking s’est vu dans l’obligation d’arrêter ses activités. Le navire a alors accosté à Marseille le 20 mars, d’où les équipes d’opération sont restées confinées jusqu’à ce jour. Selon Julie Bégin, responsable des communications pour SOS, toute l’équipe demeure très déterminée à pouvoir reprendre les opérations de sauvetage dès que possible, mais la situation actuelle ne permet pas un retour immédiat en mer, puisque les conditions sont trop incertaines. Julie Bégin précise qu’une réunion sera tenue entre SOS et MSF dans les prochains jours pour discuter des possibilités de retourner en mer et des adaptations à prévoir.

Pour autant, les migrants ne cesseront pas de tenter la traversée en mer. Seulement depuis le début de l’année 2020, plus de 700 migrants ont été sauvés grâce aux opérations de SOS et MSF. Cependant, l’Organisation Internationale pour les Migrations estime que déjà 133 migrants sont morts en Méditerranée centrale depuis le 1er janvier. Difficile de prévoir quelles seront les conséquences de la situation causée par la pandémie du COVID-19. Les autres ONG en Europe qui participent aussi aux sauvetages des migrants se retrouvent dans la même situation. Le 30 mars dernier, le navire de sauvetage Alan Kurdi de l’ONG Sea-Eye est finalement retourné en mer après plusieurs semaines d’arrêt ; il est aujourd’hui le seul à pouvoir venir en aide aux migrants.

Pour ce qui est de la Libye, la situation est inquiétante en ce qui a trait au coronavirus, puisque les installations sanitaires sont déficientes et le système de santé est affaibli, tout cela dans un climat d’insécurité constante. Les mesures préventives mises en place, comme les couvre-feux, varient beaucoup d’une région à une autre et sont probablement insuffisantes pour pallier ce que les médias qualifient de « bombe à retardement libyenne ». L’organisation Human Rights Watch affirme que la Libye doit aller beaucoup plus loin et devrait immédiatement libérer « les migrants et demandeurs d’asile détenus uniquement en raison de l’irrégularité de leur statut d’immigration », afin de limiter la contagion dans les centres surpeuplés. Si le virus venait à atteindre les centres de détention, tout porte à croire que les migrants, déjà extrêmement vulnérables dans de telles conditions, seraient rapidement et gravement touchés.

Liens web sur le sujet :
http://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/ov-a-marseille
https://www.francetvinfo.fr/…/malgre-l-epidemie-de-coronavi…
https://www.hrw.org/…/libye-des-detenus-exposes-au-risque-d…
https://www.elwatan.com/…/le-maghreb-face-a-la-pandemie-de-…
© Photographies :
L’Ocean Viking accosté au port (Agence France Presse)
Les migrants dans un centre de détention en Libye (Reuters).