
Danièle Bélanger, professeure titulaire de la Chaire de recherche sur les dynamiques migratoires mondiales. (Photo – Émil Lavoie)
La nouvelle cohorte du BAC en géographie de l’Université Laval a plongé, jeudi dernier, au cœur des enjeux migratoires lors d’un atelier animé par Danièle Bélanger, titulaire de la Chaire de recherche sur les dynamiques migratoires mondiales et Marie-Ève Lacroix, intervenante juridique au Réseaux d’aide aux travailleurs temporaire du Québec (RATTMAQ).
La rencontre s’est déroulée au Carrefour Cardijn, dans le quartier Saint-Roch, un lieu reconnu pour son rôle d’ouverture et d’accueil. En collaboration avec le RATTMAQ, un organisme communautaire de défense des droits des travailleurs temporaires, l’atelier visait à offrir une perspective scientifique et ancrée dans le terrain sur les parcours des personnes migrantes.

Dans le cadre du cours Initiation aux sciences géographiques, plusieurs étudiants ont partagé leurs expériences personnelles et ont posé des questions. (Photo – Émil Lavoie)
« Les politiciens aiment bien se concentrer sur un seul indicateur : la langue parlée à la maison », a souligné Mme Bélanger, en invitant les étudiants à questionner certains discours médiatiques et politiques qui associent immigration et déclin du français au Québec.
Elle met aussi la trentaine d’étudiants en garde contre l’association rapide entre la crise du logement et le flux migratoire.
Distinguer les statuts migratoires
L’atelier a permis de clarifier les différents statuts liés à l’immigration au Canada. Trois grandes catégories de migrants temporaires ont été présentées : les travailleurs étrangers temporaires (TET), les demandeurs d’asile et les étudiants internationaux. Ceux-ci se distinguent par leurs droits, leurs contraintes et leurs conditions de séjour.
Au Canada, on compte près de 1,5 million de personnes vivant sous le statut de résidents temporaires en 2025. Au Québec seulement, leur nombre varie entre 500 000 et 575 000 selon les années. Mais derrière ces chiffres se cachent souvent des inégalités. Selon le programme utilisé, le pays d’origine ou le type d’emploi occupé, les conditions diffèrent grandement, notamment en ce qui concerne les salaires et la protection des droits.

Le RATTMAQ œuvre dans six régions et s’étend de Montréal jusqu’au Saguenay-Lac-Saint-Jean. (Photo – Émil Lavoie)
C’est dans ce contexte qu’intervient le RATTMAQ. L’organisme accompagne les travailleurs migrants dès leur arrivée à l’aéroport, en leur fournissant de l’information, un soutien dans leurs démarches institutionnelles, des activités d’intégration, ainsi qu’un appui juridique en cas d’injustice.
« Des menaces de renvoi dans le pays d’origine, des blessures ou des séquelles liées à un travail répétitif ou abusif… toutes sortes de situations peuvent faire en sorte qu’un parcours au Canada se transforme en cauchemar », témoigne Marie-Ève Lacroix, intervenante juridique au RATTMAQ.
Le permis de travail fermé, un risque d’abus
Une partie de l’atelier a porté sur les conditions de travail et de logement vécues par de nombreux migrants temporaires. Jusqu’à récemment, il n’existait pas de cours de français adaptés aux travailleurs temporaires, ce qui limite leur intégration. « La pratique est plus difficile que la théorie, car même si la volonté d’apprendre la langue est présente, la logistique comme le transport pour suivre ces cours de francisation est un obstacle fréquent », a expliqué Mme Bélanger.

En préparation à cet atelier, les étudiants ont visionné «Richelieu», un film de Pier-Philippe Chevigny portant sur des travailleurs guatémaltèques, dont un est victime d’un accident (Photo – Émil Lavoie)
Elle a particulièrement dénoncé les limites des permis de travail fermés, qui lient un travailleur à un seul employeur. « Le problème, c’est la structure du programme », a-t-elle tranché. Lors des projets d’études qu’elle a menés, elle a constaté que certains employeurs poussaient les abus encore plus loin.
« Certains vont même jusqu’à faire signer des dérogations à leurs employés afin de leur interdire d’entretenir des communications avec la population locale et les journalistes. Même si ce genre de papier n’a aucune valeur juridique, ça suffit pour instaurer un climat de terreur », a-t-elle rapporté tout en spécifiant que la plupart des employeurs entretiennent une relation éthique avec leur main d’œuvres étrangères.
Déconstruire les idées reçues
Mme Bélanger a également rappelé que la population immigrante des résidents permanents est, en moyenne, plus scolarisée que la population native, conséquence directe des critères de sélection du Canada. « La population immigrante au pays est plus éduquée que les natifs, parce qu’ils sont sélectionnés », a-t-elle précisé.
L’atelier a ainsi permis de déconstruire plusieurs idées reçues entourant les migrants et de sensibiliser les étudiants à la complexité des réalités vécues par ces personnes, bien au-delà des clichés véhiculés dans l’espace public.

