Deux étudiantes de l’Université Laval documentent les vulnérabilités invisibles
À première vue, les feux de forêt de l’été 2023 ou les pluies diluviennes qui s’abattent sur les champs québécois semblent concerner surtout la population locale. Mais pour Sandra Arruda et Geneviève Fournier, candidates à la maîtrise en sciences géographiques à l’Université Laval, ces aléas climatiques révèlent une autre réalité : celle des travailleurs migrants temporaires, souvent absents des plans d’urgence.

Sandra Arruda et Geneviève Fournier sur le site d’une forêt brûlée
Leur projet, baptisé IMM-CA (Immigration et aléas climatiques), se distingue par son originalité. Alors que de nombreuses recherches analysent le climat comme facteur de départ des migrations, elles s’intéressent plutôt à la façon dont les conditions climatiques rendent les travailleurs vulnérables une fois arrivés au Québec.
La recherche couvre deux secteurs : la foresterie et l’agriculture. En forêt, les feux de 2023 ont mis en lumière la présence émergente de travailleurs étrangers dans ce domaine encore peu documenté. Dans les champs, les risques sont plus diffus : pluie battante, chaleur accablante, sols boueux. Autant de petites intempéries qui, pour un travailleur sans marge de manœuvre face à son employeur, peuvent mener à des accidents ou accentuer la précarité liée au statut migratoire.
« Trouver des personnes directement touchées est un défi, raconte Geneviève Fournier. C’est un terrain émergent. Mais chaque témoignage nous aide à dresser un portrait inédit. »
Sandra Arruda souligne que les bonnes pratiques ne manquent pas, notamment du côté d’employeurs qui, lors des feux, se sont mobilisés pour évacuer et protéger leurs employés. « L’objectif du projet, c’est aussi de décortiquer qui a pris l’initiative. Que ce soit pour planifier les autobus pour l’évacuation ou pour transmettre l’information de sécurité », explique-t-elle.
Soutenu par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et mené en partenariat avec le RATTMAQ (Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec), le projet doit mener à un article scientifique et à un rapport. Il mobilise aussi plusieurs cochercheurs, dont Jean-Michel Beaudoin, professeur en foresterie, et Michael Hooper, de l’Université de la Colombie-Britannique.
Au fil de leur terrain, Sandra et Geneviève constatent que derrière chaque aléa se cachent des enjeux humains, qu’il s’agisse de barrières linguistiques, d’isolement ou de la crainte de perdre son emploi, mais aussi de solidarité, d’entraide et d’adaptation. Et si leur recherche est encore en cours, leur complicité laisse entrevoir une certitude : à deux voix, elles entendent rendre visibles celles et ceux qui, loin des projecteurs, tiennent tête aux caprices du climat.

