Return to Migration et COVID-19

(10/10) Italie

13 avril 2020

COVID-19

Rapport de Annaelle Piva
Candidate au doctorat en géographie au sein de la chaire

Sa thèse porte sur porte sur les migrants en errance dans les espaces urbains. Elle effectue une comparaison entre les villes de Rome et Paris.


Tout le pays vit sous une stricte quarantaine qui a commencé le 9 mars 2020. L’ensemble de la société est affecté, les hôpitaux sont saturés et l’Italie a dépassé les 17 000 décès (au 08/04/2020). Certaines mesures liées au confinement semblent impossibles à observer pour les populations migrantes les plus précaires et limitent les opérations d’aide à leur encontre.

La mise en quarantaine des ONG de sauvetage en mer

Malgré Covid 19, l’Italie demeure le principal pays d’arrivée en Europe pour les ressortissants fuyant les violences dans leur pays d’origine ou de transit; il est difficile de savoir pour l’instant si la situation sanitaire de l’Europe a eu un impact sur le nombre d’arrivées. Tous ceux qui se trouvaient à bord des navires de sauvetage (équipage compris) ont été soumis à une quarantaine obligatoire de deux semaines dès le 28 février. Cette nuit un décret a été signé suspendant les sauvetages en mer pour toute la durée de l’urgence sanitaire.

L’instrumentalisation politique à des fins anti-réfugiés

L’épidémie de coronavirus a également été récupérée à des fins politiques par le parti d’extrême droite, La Ligue, dirigé par Matteo Salvini. Le 21 février dernier, l’ex-Premier ministre a suggéré de fermer les frontières aux migrants, alors qu’aucun des cas de COVID-19 en Italie n’était lié à l’Afrique et que le continent ne comptait qu’un seul cas (en Égypte). Il déclarait lors d’une conférence de presse à Gênes : « Le gouvernement a sous-estimé le coronavirus. Permettre aux migrants de débarquer d’Afrique, où la présence du virus a été confirmée, est irresponsable ».

Des administrations en pause

Dans toute l’Italie, les services administratifs destinés aux migrants et demandeurs d’asile ont été temporairement suspendus ou fortement réduits. Le personnel de police habituellement employé aux bureaux de l’immigration a été réaffecté à des tâches d’urgence liées au coronavirus. Le 2 mars, les demandes et renouvellements des permis de séjour pour les étrangers ont été suspendus pendant 30 jours. Les tribunaux ont également été fermés : tous les entretiens pour déterminer le statut de réfugié ainsi que les audiences en appel pour un refus de demande d’asile ont été suspendus par le gouvernement, rallongeant des procédures déjà très éprouvantes.

Distanciation sociale impossible

Dans les centres d’accueil ces mesures sont impossibles à observer. Sous le gouvernement Salvini, le modèle de l’accueil diffus – privilégiant des centres avec de petits effectifs, intégrés aux communautés locales, mais plus difficile à monitorer – a été remplacé au profit de centres immenses rassemblant plusieurs centaines de personnes. Ces centres sont saturés et maintiennent dans la promiscuité un grand nombre de personnes. Le retour à un modèle d’accueil diffus est demandé par les associations afin de limiter les transmissions et de pouvoir y intégrer les migrants qui ont été laissé à l’écart. Dans les centres de rétention administrative la situation est la même. La plupart des vols ont été suspendus et 425 migrants attendent dans les sept centres du pays où les directives sanitaires sur le COVID-19, y compris les mesures de « distanciation sociale », ne peuvent être garanties.

Précarité accrue des invisibles

La distanciation sociale et l’accès aux soins sont aussi quasi-impossibles dans les nombreux squats et campements informels urbains et ruraux qui, selon une étude de médecins sans frontières de 2018, logent plus de 10 000 personnes à travers toute l’Italie dans des conditions insalubres et dans une invisibilité totale. C’est aussi toute une économie quotidienne de la survie qui est mise à mal le temps de l’épidémie. Le problème du sans-abrisme des migrants est important en Italie. Suite à l’entrée en vigueur du décret Salvini, de nombreux ressortissants étrangers se sont vu refuser la demande de protection internationale ou ont perdu leur titre de séjour et sont contraints de vivre en marge de la société. Face à l’escalade des restrictions aux possibilités de déplacement, les associations ont réclamé des mesures pour accueillir les sans-abri. De nombreuses administrations se sont activées par l’ouverture de centres, des autorisations exceptionnelles pour la distribution de repas, de fourniture ou de distribution de kits et dispositifs d’hygiène, notamment à Gênes, Trieste ou Lecce.

Rome jusqu’ici n’a pas pris de mesures en ce sens. Souvent, ce sont les collectifs citoyens qui se mobilisent pour combler les manquements des institutions et des grandes associations paralysées par le coronavirus, et de nombreux élans de solidarité ont été observés. Néanmoins, des réactions de rejet l’ont été aussi et les collectifs sont menacés par la consigne de dénonciation aux autorités de tout rassemblement dans l’espace public. Le collectif du Baobab, mobilisé à Rome signalait qu’ils avaient besoin de « solutions et non de délation » pour les 120 personnes vivant sur le campement, et qu’en deux semaines, aucune réponse ne leur était parvenue des autorités romaines.

Liens web sur le sujet :
https://www.repubblica.it/…/coronavirus_sbarchi_a_lampedus…/
https://www.thenewhumanitarian.org/…/italy-coronavirus-migr…
https://www.valigiablu.it/migranti-coronavirus-diritti/
https://www.infomigrants.net/…/coronavirus-en-italie-le-quo…
https://www.ilsole24ore.com/…/coronavirus-emergenza-sanitar…
https://www.infomigrants.net/…/coronavirus-les-rescapes-de-…
Photographies © Collectif Baobab (Facebook et Instagram)